vendredi 7 septembre 2007

Royaume-Uni : bienvenue aux chimères



Les généticiens britanniques pourront créer des embryons mi-humains, mi-animaux. Ce type de recherche, désormais autorisé par l'institution gouvernementale chargée des questions liées à la fertilité, permettra en particulier de progresser sur les cellules souches sans puiser dans la réserve, très limitée, des ovules humains.
La Human Fertilisation and Embryology Authority (HFEA) a statué que les scientifiques auraient le droit de créer des embryons hybrides - mi humains, mi-animaux -, sources de controverse, afin d'étudier des conditions médicales débilitantes et incurables comme la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson ou la sclérose en plaques.

La décision d'autoriser la création d'"hybrides cytoplasmiques" ou embryons cybrides en insérant de l'ADN humain dans un ovule animal vide met un terme à trois mois de débat public. L'opinion publique britannique et la plupart des participants étaient généralement favorables à ces recherches. "Ayant pris en compte tous les éléments, l'autorité a décidé qu'aucune raison fondamentale ne s'opposait à la recherche sur des hybrides cytoplasmiques", a déclaré la HFEA.

Deux équipes de scientifiques, à l'université de Newcastle et au King's College de Londres, ont déjà déposé une demande auprès de la HFEA afin de créer des embryons humains-animaux qui seraient à 99,9 % humains et 0,1 % animaux. Leurs demandes vont maintenant être passées au crible par la commission de surveillance de la HFEA avant qu'une décision ne soit rendue en novembre.

Stephen Minger, à la tête de l'équipe du King's College, prévoit d'utiliser les embryons pour étudier la maladie d'Alzheimer, l'amyotrophie spinale et la maladie de Parkinson. Son groupe insèrera des cellules de l'épiderme de patients dans des ovules vides de vache ou de lapin, puis laissera les embryons se développer pendant quelques jours, jusqu'à ce que les cellules souches puissent être récupérées. Ces cellules seront porteuses des défauts génétiques qui déclenchent ces maladies, et il sera possible de les utiliser pour analyser la progression des premiers stades de ces affections.

A Newcastle, une équipe placée sous la direction de Lyle Armstrong prévoit d'implanter des cellules humaines dans des ovules d'animaux vidés afin de voir comment les ovules convertissent des cellules adultes en cellules plus primaires, lesquelles, à leur tour, peuvent alors développer n'importe quel tissu dans l'organisme. D'autres équipes préparent dès à présent leurs demandes, en particulier celle de Ian Wilmut, qui a dirigé l'équipe responsable de la création de la brebis Dolly, et Chris Shaw, de l'Institut de psychiatrie de Londres, qui espère pouvoir créer des embryons pour étudier la sclérose en plaques.

En se servant d'ovules d'animaux, les chercheurs seront en mesure de progresser dans le domaine des cellules souches sans puiser dans une réserve très limitée d'ovules humains. Conformément aux lois en vigueur, les embryons ne peuvent être implantés dans un utérus et doivent être détruits au bout de quatorze jours, quand ils ne sont qu'une boule de cellules pas plus grosse qu'une tête d'épingle.

Ces recherches se sont heurtées à l'opposition acharnée de groupes religieux et anti-avortement. La HFEA, consciente de la possibilité que ces groupes fassent appel de sa décision, assure qu'il ne faut pas y voir "un feu vert absolu" mais plutôt la reconnaissance du fait que ces recherches sont autorisées "avec prudence et sous une surveillance rigoureuse".

Quant à d'autres embryons interespèces, dont les chimères, qui mêlent cellules animales et humaines, et les "véritables hybrides", où un spermatozoïde humain est utilisé pour féconder un ovule d'animal, ou vice-versa, la décision a été reportée.

En décembre, le gouvernement a été confronté à une levée de boucliers de la part de scientifiques et d'associations de patients quand il a publié un livre blanc envisageant l'interdiction de toute recherche sur les embryons interespèces. Il a révisé sa position en mai dans un projet de loi sur les tissus et les embryons humains, qui vise uniquement à interdire les véritables hybrides.


Ian Sample

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